Les contrefaçons: définitions

LES CONTREFAÇONS, Par Mtre BOUZERAND, Avocat à Paris

On définit la contrefaçon comme une atteinte à un droit de propriété littéraire, artistique ou industrielle. En général, elle consiste dans le fait d’avoir copié une œuvre littéraire, un titre, un dessin ou un modèle, d’avoir reproduit une marque de fabrique ou fabriqué un objet breveté sans l’autorisation du titulaire du droit de propriété intellectuelle.
Ordinairement, on pense que la contrefaçon touche seulement les produits de luxe, ou de grandes marques, or celle-ci s’est étendue à des produits plus surprenants, tels que les cosmétiques, pièces détachées de voitures, jouets, pire encore aux médicaments.
La lutte contre la contrefaçon est devenue une priorité à la fois au niveau communautaire et au niveau national.
La loi du 29 octobre 2007 harmonisant les procédures civiles applicables à la propriété intellectuelle est venue transposer la directive communautaire 2004/48/CE sur le respect des droits de propriété intellectuelle.
La loi de modernisation de l’économie du 4 aout 2008 est venue modifier la compétence dans le cadre des actions civiles en contrefaçon, en prévoyant la seule compétence des tribunaux de grande instance.

1- Quels sont les droits protégés par l’action en contrefaçon
L’action en contrefaçon a pour but de protéger les atteintes aux différents droits de la propriété littéraire, artistique, ou industrielle, tels qu’ils sont prévus par le code de la propriété intellectuelle.
Cette protection concerne ainsi les droits d’auteur, les logiciels, les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, les brevets d’invention, les dessins et modèles et enfin les marques de fabrique.
Pour qu’elle soit établie, la contrefaçon suppose la réunion de plusieurs éléments.
En premier lieu, il faut rapporter l’existence de la contrefaçon. Celle-ci est réalisée lorsqu’une personne reproduit sans l’autorisation de son titulaire une œuvre littéraire, ou artistique, un brevet, un logiciel, un dessin, un modèle ou une marque de fabrique.
En second lieu, la contrefaçon doit avoir d’importantes similitudes avec l’original, peu important les quelques différences qui auraient pu être rajoutées par le contrefacteur pour brouiller les pistes. En effet, la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances, et non par les différences. En pratique, le juge se place du point de vue d’un client moyen pour apprécier s’il y a ou non contrefaçon.
Enfin, dans le cas ou la victime fait le choix de la voie pénale, il faut l’existence d’un élément intentionnel qui est analysé sous le regard de la mauvaise foi de l’auteur des faits.L’élément intentionnel n’est pas requis dans le cadre d’une procédure civile délictuelle.
2- Les procédures offertes à la victime avant toute action en contrefaçon

Avant d’engager les poursuites, la victime a intérêt à faire établir l’existence de la contrefaçon. Elle peut selon les situations faire procéder à une retenue en douane ou à une saisie.

a) La rétention en douane
La rétention en douane est prévue par le règlement communautaire CE n°1383/2003 du 22 juillet 2003, et par le code de la propriété intellectuelle. Elle consiste à bloquer les marchandises suspectées de contrefaçon dès leur entrée en France ou dans l’Union Européenne.
La saisie par les autorités douanières est possible pour les produits protégés au titre de dessins, modèle, ou marque, et cela sans avoir recours à un accord préalable du juge. Il existe deux situations :
- Avant toute entrée de marchandises suspectes, il est préférable pour le titulaire du droit protégé de prendre des précautions. Il peut formuler une demande de rétention auprès de la direction générale des douanes, qui va permettre aux agents de la douane de retenir des marchandises contrefaites.
- Si le titulaire du droit protégé n’a pas formulé de demandes, les agents de la douane, dans le cadre de leurs contrôles, peuvent décider, de leur propre initiative de retenir des marchandises soupçonnées d’être des contrefaçons. Dans ce cas cette retenue est notifiée au titulaire du droit protégé qui doit déposer une demande de retenue dans un délai de 3 jours.
Il est important de souligner que dans les deux cas, le titulaire du droit protégé doit obligatoirement engager une procédure judiciaire à l’encontre de l’importateur dans le délai de 10 jours ouvrables, à compter de la notification de la retenue des marchandises contrefaites. Faute de quoi la mesure de retenue pourra être levée.

b) Les saisies-contrefaçons
La preuve de la contrefaçon revient au titulaire du droit de propriété incorporelle. C’est pourquoi, il est opportun pour le titulaire du droit protégé de rassembler un maximum de preuves, avant toute action en justice.
Les modes de preuve les plus convaincantes sont les saisies. Elles se font par voie d’huissier sur autorisation du président du tribunal de grande instance. Il existe deux types de saisie : la saisie réelle et la descriptive.
La saisie réelle consiste en une saisie effective des produits faisant l’objet d’une contrefaçon.
La saisie descriptive consiste à faire dresser un procès verbal constatant les atteintes au droit de propriété intellectuel de la victime.
Pour mettre en œuvre ce type de saisie, le titulaire du droit protégé doit présenter une requête au président du tribunal de grande instance. Il convient de préciser qu’aucune action ne doit déjà être engagée au fond.
Le président du TGI va alors rendre une ordonnance qui va autoriser la victime à procéder à une saisie.
Après la réalisation de la saisie qu’elle soit réelle ou simplement descriptive, le demandeur dispose d’un délai de 20 jours ouvrables ou 31 jours civils pour engager une action au fond, sans quoi l’intégralité de la saisie est annulée.

3- L’action en contrefaçon
Une victime de la contrefaçon a le choix entre deux actions : l’action civile ou l’action pénale. Toutes les deux se prescrivent par trois ans, mais elles ne peuvent pas être cumulées. En effet, l’article 5 du code de procédure pénale prévoit que la victime de la contrefaçon qui exerce son action devant la juridiction civile ne peut la porter devant la juridiction répressive, sauf si la cause et l’objet sont différents.
L’opportunité de l’une ou l’autre action dépend en réalité des circonstances de l’espèce.

a) L’action civile
En pratique c’est l’action civile qui est privilégiée, car elle permet de retenir la responsabilité civile du contrefacteur sans avoir à rapporter la preuve de son intention délictueuse.
L’avantage de l’action civile est qu’elle permet à la victime de cumuler avec la première demande en contrefaçon, une demande en concurrence déloyale, car il arrive souvent que la contrefaçon soit un moyen de la concurrence déloyale.
De même, il convient de préciser que comme les conditions de contrefaçon sont très strictes, il arrive parfois que cette qualification ne soit pas retenue. C’est pourquoi, il est opportun de cumuler les deux demandes.
Le droit d’agir appartient au titulaire du droit qui a été lésé. Ainsi, par exemple, en matière de propriété littéraire et artistique, l’action appartient à l’auteur lui-même, ou à ses ayants droits.
Une assignation en référé pour contrefaçon est possible à condition d’être assortie d’une action conduisant à une décision au fond. Le délai pour se pourvoir au fond est de 20 jours ouvrables ou 31 jours civils à compter de la date de l’ordonnance.
L’action civile donne au juge le pouvoir de prononcer contre l’auteur de la contrefaçon une interdiction sous astreinte de poursuivre ses agissements, ce qui n’est pas le cas devant la juridiction pénale.
Dans le cas ou les faits en cause se sont déroulés dans plusieurs états, l’action relève de la législation de l’état dans lequel la protection est demandée, mais la loi française n’a pas vocation exclusive à régir l’ensemble du litige.
Il suffit que les faits reprochés aient été commis en partie en France, pour que les juridictions françaises soient compétentes.
En ce qui concerne les brevets, la contrefaçon consiste dans la violation d’un titre juridique délivré par un Etat pour son territoire. Donc seules les contrefaçons qui portent atteinte au monopole autorisé par le brevet sur le territoire français peuvent être sanctionnées par les tribunaux français.
La loi du 4 aout 2008 instaure une compétence exclusive des tribunaux de grande instance. Et le décret n°2009-1204 prévoit que le tribunal de grande instance de Paris est exclusivement compétent pour connaitre des actions en matière de brevets d’invention, ainsi que de toute demande en matière de dessins ou modèles communautaires.
Le tribunal saisi a un pouvoir d’investigation. En effet, il peut ordonner de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits contrefaits. Il peut aussi demander la production de tous documents à toute personne qui serait intervenue de la fabrication à la distribution des produits en cause.
Le juge civil prend en compte l’ensemble du préjudice subi, dans le calcul des dommages et intérêts, tels que les pertes subies, le gain manqué, les bénéfices réalisés par l’auteur de la contrefaçon et les frais de procédure.
Enfin, toute vente de produits contrefaits sont déclarées nulles, car elles ne peuvent pas être régulièrement commercialisées.

b) L’action pénale
L’action peut-être exercée par le ministère public, puisque la contrefaçon est une infraction pénale.
En pratique, le parquet s’abstient de déclencher les poursuites pour respecter l’option dont dispose la victime de choisir l’action civile. Ce n’est que lorsque cette dernière en fait la demande qu’il va ouvrir la procédure.
Lorsque le tribunal estime que le délit de contrefaçon est constitué, il fait application des peines prévues par le code de propriété intellectuelle, soit au maximum 3 ans de prison et 300 000 euros d’amendes. De même, il peut ordonner la confiscation.
Le tribunal se prononce aussi sur l’évaluation du préjudice subi par la victime. Par contre l’indemnisation accordée à la victime est limitée aux seuls actes de contrefaçon et ne peut être étendue à des actes de concurrence déloyale connexes à la contrefaçon.
Dès la constatation de la contrefaçon, les officiers de police judiciaire vont pouvoir saisir les produits contrefaits, ainsi que les matériels qui ont permis ces contrefaçons.