De l’obligation de fournir son code de téléphone portable aux enquêteurs - Mai 2018
Courant 2016, un homme, suspecté d’être impliqué dans une affaire de stupéfiants, refuse, au cours de sa garde à vue, de fournir aux enquêteurs le code de son téléphone portable. Des poursuites sont alors engagées à son encontre sur le fondement de l’article 434-15-2 du
Code pénal qui punit de 3 ans de prison et de 270 000 € d’amende « le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ». Pour sa défense, le prévenu va alors contester la conformité de cet article avec la Constitution, faisant notamment valoir qu’il remet en cause « le droit au silence ». Il soutient par ailleurs qu’en ce qui le concerne y a confusion entre « mot de passe » et « convention de cryptologie » qui relève de la compétence de l’opérateur téléphonique ou du fabriquant.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionalité, le Conseil constitutionnel (décision n° 2018-696 QPC du 30 mars 2018) considère que les dispositions contestées ne portent atteinte ni aux droits de la défense, ni à aucun autre droit. Il les juge donc conformes à la Constitution. Il en limite toutefois la portée en prenant soin de rappeler que l’article 434-15-2 du Code pénal ne peut jouer que si les données cryptées ont été chiffrées dans le but de préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit ; que si leur remise s’avère nécessaire dans le cadre de l’enquête en cours ; et que si la demande émane d’une autorité judiciaire. Or, rappelons-le, à la différence des magistrats, les officiers de police judicaire ne sont pas une autorité judiciaire...
Focus sur...
Vers une évolution de la justice pénale ?
Présenté en Conseil des ministres le 20 avril dernier, le projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022 prévoit une « simplification » de la procédure pénale. S’il est voté en l’état, il ouvrirait aux justiciables la possibilité, s’ils le souhaitent, de porter plainte en ligne et de se constituer partie civile à l’audience par voie dématérialisée. La composition pénale, qui permet au parquet de proposer une sanction pénale à l’auteur d’un délit en échange de l’extinction de l’action publique, serait étendue à tous les délits. Certains délits (comme l’usage de stupéfiants) ne seraient plus jugés mais feraient l’objet d’une amende forfaitaire. Un tribunal criminel départemental, composé de 5 magistrats professionnels et non plus de jurés populaires, serait également expérimenté, dans certains départements, à la place des cours d’assises pour juger les crimes punies de 15 à 20 ans d’emprisonnement. Enfin, les alternatives à la prison (bracelets électroniques, travaux d'intérêt général) seraient développées. Les peines de prison inférieures ou égales à un mois ferme seraient, quant à elles, prohibées. En revanche, l’exécution en établissement pénitentiaire des peines supérieures à un an deviendrait systématique. Affaire à suivre...
Les juges et la preuve
L’audit : une preuve recevable en justice ?
Un employeur, qui soupçonne l’une de ses salariées de se livrer à des pratiques de gestion douteuses, confie à un Cabinet d’expertise le soin de réaliser un audit. Sur la base de ce rapport qui se révèle accablant pour la salariée, il la licencie pour faute grave.
L’intéressée conteste cette mesure en justice. A l’appui de sa démarche, elle fait valoir le principe selon lequel un employeur ne peut justifier le licenciement disciplinaire d’un salarié par des éléments recueillis au moyen d’un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance (article L. 1222-4 du Code du travail). En vain.
Saisie de l’affaire, la Cour de cassation confirme que les preuves recueillies dans le cadre de l’audit sont parfaitement valables. Il importe peu, en l’occurrence, que l’employeur n’ait pas dévoilé ses intentions réelles (mettre en lumière d’éventuelles fautes de gestion commises par la salariée) dès lors que les investigations ont été menées de manière transparente et que l’intéressée en avait connaissance. Nul doute pour les Hauts magistrats que, dans cette affaire, les preuves en question ont donc été obtenues par un moyen licite.