Divorce : la preuve est libre - Avril 2017
Le détective et la preuve
En matière de divorce, on le sait, la preuve peut être rapportée par tout moyen, y compris par l’aveu. Consacrée par l’article 259 Code civil, cette règle ne souffre que de peu d’exceptions : seuls sont légalement interdits les témoignages des descendants des époux (article 259 du Code civil) ; les éléments obtenus « par violence ou par fraude » (article 259-1 du Code civil) ; et « les constats dressés à la demande d’un époux (…) s’il y a eu violation du domicile ou atteinte illicite à l’intimité de la vie privée » (article 259-2 du Code civil). Dans ce contexte, la Cour de cassation juge régulièrement que les violations graves et renouvelées des obligations du mariage peuvent être démontrées, en l’absence de violence ou de fraude, par la production de témoignages, d’expertise, de lettres voire même, plus récemment, de courriels ou de SMS. Les rapports d’enquête privée sont également admis au nom du principe de liberté de la preuve (Cass, civ. 1ère, 18 mai 2005, pourvoi n° 04-13745). En effet, pour les juges, les constatations faites dans l’espace public par un détective privé ne constituent pas une atteinte à l’intimité de la vie privée et ne sont pas disproportionnées par rapport à l’établissement d’une violation de ses obligations conjugales par l’époux. Nul doute que le travail de ces professionnels de la preuve joue donc un rôle essentiel dans ce type de contentieux.
Focus sur...
Etat civil : les modifications à connaître
La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle est venue assouplir certaines démarches. Les parents ont désormais 5 jours (contre 3 auparavant) pour déclarer la naissance de leur enfant auprès de l’officier de l’Etat civil du lieu d’accouchement. Par ailleurs, ceux et celles qui souhaitent changer de prénoms, en ajouter, en supprimer ou en modifier l’ordre n’ont plus à saisir le tribunal. Il leur suffit d’en faire la demande en mairie (marie du lieu de résidence ou mairie du lieu de naissance). A noter toutefois que l’officier de l’Etat civil conserve la possibilité de saisir sans délai le procureur de la République s’il estime que la demande ne revêt pas d’intérêt légitime. Si le procureur s’oppose au changement, le demandeur dispose alors d’une voie de recours devant le juge aux affaires familiales. Enfin, toute personne souhaitant porter à l’Etat civil français le même nom que celui inscrit sur son acte de naissance étranger peut maintenant solliciter le changement de son nom auprès de la mairie détentrice de son acte de naissance. Pour les personnes nées à l’étranger, la démarche se fait auprès du service central d’Etat civil du ministère des Affaires étrangères.
Les juges et la preuve
Journal intime et divorce
Après de nombreuses années de mariage, un couple divorce. En cours de procédure, l‘épouse verse aux débats la copie du journal intime de son mari infidèle. Surpris, l’homme demande à ce que cette pièce soit écartée des débats. A l’appui de sa démarche, il tente de faire valoir qu’à la lecture de ce journal certains aspects de la vie privée de son couple seront révélés, ce qui aurait pour conséquence d’enfreindre l’article 9 du Code civil qui garantit à chacun le droit au respect de sa vie privée. En vain. S'agissant d'un litige familial portant nécessairement sur des aspects privés de la vie du couple, des éléments de l'intimité de la vie privée sont susceptibles, selon les juges, d'être révélés… Dès lors, l'atteinte à la vie privée ne saurait justifier l'irrecevabilité de la pièce, celle-ci ayant été obtenue sans fraude, ni violence. En effet, alors que l'époux alléguait la fraude de son épouse, il n’a versé aux débats aucun élément de nature à la justifier. Fort de ce constat, les juges, fidèles à la jurisprudence de la Cour de cassation bien établie en la matière, ont rejeté sa demande.
CA Paris, pôle 3, ch. 2, 21 février 2017, affaire n° 15-22965